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L'apparition de la flotte anglaise sur le fleuve Saint-Laurent, en mai 1759, a déclenché une grande alarme dans les paroisses de la Côte du Sud. Des ordres ont été envoyés dans toutes les paroisses de contraindre les cultivateurs et chefs de famille de préparer dans les bois des lieux de refuge et de les approvisionner. Il fallait également s'y rendre avec leurs enfants et tous leurs effets de ménage dès qu'on aurait la nouvelle de l'approche de l'ennemi. François et sa famille ont donc dû se plier à ces ordres dès que les troupes anglaises, après quelques revers dans leurs efforts à prendre la ville, ont entrepris de ravager les campagnes environnant Québec. Wolfe ayant donné l'ordre, le 23 juillet 1759, à ses troupes de brûler et de dévaster la campagne ce qui voulait dire que les rangers dirigés par Joseph Goreham, dans le secteur de Berthier, ont incendié tous les bâtiments, maisons et récoltes, coupé les arbres fruitiers, saisi tout le bétail et fait prisonniers tous les habitants rencontrés sur leur chemin. Le but clair de cette manoeuvre était de ne laisser que famine et désolation derrière eux, quitte à déporter également les habitants vers l'Europe advenant une défaite. Cette opération se serait déroulée en août et aurait possiblement rencontré de la résistance dans la région de Berthier.
À l'été 1759, notre ancêtre François vient d'avoir 47 ans et avait au moins trois fils avec Marie-Joseph Lavoie qu'il avait épousée en 1746: François (notre ancêtre) né en 1747, Joseph né en 1753 et Charles né en 1756. La petite famille a donc dû se réfugier dans les bois de Bellechasse dans des conditions précaires, accablée par la faim, les insectes et incertaine du sort de leur ferme.
Quant à François lui-même, il a certainement été mobilisé comme milicien car tous les hommes valides entre 16 et 60 ans étaient incorporés. Les miliciens étaient des hommes recrutés en campagne et en ville, qui n'avaient pas de formation de soldat. En temps de conflit, ils étaient obligés de prendre les armes. Sans uniforme militaire, ils recevaient à chaque campagne une partie de l'équipement. Les troupes s'armaient elles-mêmes et il était attendu d'elles qu'elles soient en possession d'une bonne provision de plomb, de poudre et de mèches. L'intendant fournissait un fusil à ceux qui n'en possédaient pas.
miliciens canadiens
Les miliciens furent regroupés à Québec à l'été 1759 pour la défense de la ville, mais peu habitués au régime de caserne, insatisfaits de la nourriture et inquiets pour leur famille, plusieurs désertèrent pour retourner s'occuper de leurs terres et protéger leur famille. Certains ont continué là la lutte contre l'envahisseur, faisant souvent le coup de feu contre les soldats incendiaires ce qui irrita beaucoup les troupes anglaises déployées sur la Côte-du-Sud. Comme aucun document militaire officiel ne permet d'identifier les effectifs de la milice, on ignore ce que notre ancêtre François vécut lors de ce funeste été 1759. On sait toutefois qu'il est revenu sur sa terre car il apparaît sur le recensement de la paroisse de Berthier effectué en 1762. Son fils François devait toutefois quitter la terre pour s'établir de l'autre côté du fleuve quelques années plus tard.